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Réglementation des véhicules autonomes et projections sur l’assurance automobile de demain

25.07.2020 | Assurance, Technologie

Les évolutions technologiques considérables réalisées ces dernières années ont permis de faire passer les véhicules autonomes de la fiction à la réalité. L’avènement du véhicule autonome semble proche.

Pour accompagner l’automatisation des véhicules, la réglementation évolue, créant ainsi un cadre juridique autorisant les expérimentations des véhicules à délégation de conduite partielle ou totale.

L’état de la législation applicable en France

En premier lieu, par Décret n°2018-211 du 28 mars 2018, la France s’est dotée d’un cadre réglementaire pour les expérimentations de véhicules autonomes sur la voie publique.

Puis, la Loi PACTE du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises est venue préciser le régime de l’expérimentation des véhicules à délégation de conduite. Leur autorisation de circulation a été subordonnée au respect des conditions suivantes :

  • Le système de délégation de conduite doit pouvoir « être à tout moment neutralisé ou désactivé par le conducteur, lorsque celui-ci se trouve dans le véhicule ».
  • Si le conducteur se trouve à l’extérieur du véhicule, il doit superviser le véhicule et son environnement de conduite pendant l’expérimentation et « être prêt à tout moment à prendre le contrôle du véhicule, afin d’effectuer les manœuvres nécessaires à la mise en sécurité du véhicule, de ses occupants et des usagers de la route ».

L’autre apport de la Loi PACTE concerne la question fondamentale de la responsabilité pénale en cas d’accident de la circulation. En effet, cette responsabilité pénale est transférée du conducteur vers le titulaire de l’autorisation d’expérimentation, lorsque le système de délégation de conduite est activé et fonctionne conformément aux conditions d’utilisation. En conséquence, c’est le titulaire de l’autorisation d’expérimentation qui sera redevable des contraventions en cas d’inobservation d’une règle de circulation.

En cas d’accident ayant causé un dommage corporel, il sera aussi responsable pénalement, si une faute a été établie dans l’activation du système.

Enfin, plus récemment, la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) du 24 décembre 2019, s’est penchée sur les véhicules à délégation de conduite, en habilitant le Gouvernement à avoir recours à une ordonnance pour prendre « toute mesure relevant du domaine de la loi afin d’adapter la législation ».

Outre les dispositions du Code de la route, c’est surtout le régime de responsabilité en cas d’accident de la circulation, qui doit être réinventé.

La nécessaire évolution du régime de responsabilité en cas d’accident de la circulation

En matière d’accidents de la circulation, c’est la Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation dite « Loi Badinter », qui s’applique.

Cette loi pose un régime particulier de responsabilité, qui repose sur la notion d’implication d’un véhicule terrestre à moteur. En effet, la loi Badinter prévoit un droit à indemnisation pour toute victime d’un accident de la circulation, dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur.

Le conducteur est une des notions pivot de la Loi Badinter. Or, le conducteur est probablement un concept amené à disparaître, s’agissant des véhicules autonomes.

La notion de conducteur devrait s’effacer à mesure que les étapes d’automatisation des véhicules sont franchies.

En effet, l’humain perdra progressivement la direction et le contrôle du véhicule au profit d’un système automatisé de conduite et de guidage.

Les accidents de la circulation ne seront plus le fait de comportements humains, mais le résultat d’une défaillance de l’ordinateur de bord du véhicule.

Le système d’automatisation de conduite du véhicule est complexe et fait intervenir un nombre important d’éléments technologiques qui réagissent et interagissent, éléments d’origines diverses et relevant pour l’essentiel du calcul, de l’algorithme. Les éléments de ce système ne sont pas de façon évidente sous « la garde » d’un seul et même intervenant.

Par conséquent, le terme « conducteur » n’est plus adapté à l’appréciation des responsabilités et à l’applicabilité des garanties d’assurance à l’ère de la voiture autonome.

Le fonctionnement du véhicule autonome résulte de la combinaison d’une multitude d’éléments technologiques matériels ou logiciels :

  • Des caméras pour identifier la signalisation routière, les cyclistes, les piétons…
  • Des radars et capteurs de plusieurs types (radars lidar et longue portée, capteurs à ultrasons…), qui repèrent les autres véhicules, leur position et les autres obstacles,
  • Un GPS qui localise le véhicule dans l’espace et configure les trajets,
  • Un logiciel informatique qui pilote le véhicule après avoir analysé les données fournies par les différents capteurs et caméras.

Il repose également sur la communication du véhicule avec les infrastructures routières, qui devront progressivement évoluer, afin de dialoguer avec les logiciels embarqués dans les voitures autonomes.

De cette énumération des composants techniques d’un véhicule autonome, nous pouvons en déduire une liste des responsables potentiels en cas d’accident de la circulation :

  • Le constructeur du véhicule, dont la fonction peut se limiter à assembler des éléments, qui auront été fabriqués par d’autres entreprises,
  • Le fabricant des caméras et capteurs du véhicule, qui peut être le constructeur automobile ou une autre société,
  • Le concepteur du logiciel de guidage et de conduite, qui a élaboré les algorithmes permettant le traitement des données transmises par les capteurs et caméras précités,
  • Le gestionnaire des infrastructures routières, qui sera chargé d’entretenir le réseau et d’assurer son interopérabilité avec les véhicules connectés en circulation.

Nous observons une nouvelle chaîne de responsabilité très différente de celle envisagée pour les véhicules classiques, non connectés et non autonomes.

Nouveaux véhicules, nouveaux « accidents »

Beaucoup se félicitent des bienfaits qu’apporteront les véhicules autonomes, parmi lesquels l’amélioration de la sécurité routière, qui se traduira par une réduction du nombre d’accidents de la circulation et corrélativement du nombre de décès sur les routes.

Les routes seront certainement plus sûres, c’est en tout cas ce que les experts prévoient.

Néanmoins, le risque d’accident de la route, bien que réduit, n’aura pas complètement disparu. Il aura changé de forme ou de cause.

A l’heure du véhicule autonome, le facteur humain cessera d’être la première cause de mortalité sur les routes, remplacé par une défaillance d’un des composants matériels ou logiciels du véhicule ou des réseaux routiers connectés.

Le risque à craindre et à anticiper pourrait donc être le risque technologique pouvant prendre, par exemple, la forme :

  • Soit d’un dysfonctionnement du système de guidage et de conduite du véhicule,
  • Soit d’un piratage du même système ou encore des infrastructures routières.

L’enjeu derrière le développement des véhicules autonomes semble donc être la cybersécurité, et c’est d’ailleurs ce que semble anticiper les Nations Unies.

L’intervention des Nations-Unies

Les Nations Unies ont adopté, le 23 juin 2020, trois règlements sur les véhicules autonomes, dont un portant spécifiquement sur la cybersécurité.

Il convient de saluer cette initiative émanant de la Commission Economique pour l’Europe des Nations Unies (UNECE), essentielle au développement d’un cadre juridique international contraignant et harmonisé favorisant le déploiement des voitures autonomes.

Un premier texte (n°ECE/TRANS/WP.29/2020/81), qui n’a vocation à s’appliquer qu’aux seuls véhicules autonomes de niveau 3, fixe les spécifications techniques requises pour les systèmes automatisés de maintien de trajectoire (en anglais connu sous le sigle « ALKS » – Automated Lane Keeping Systems).

Le règlement précise que les systèmes automatisés de maintien de trajectoire devront être activés uniquement sur les routes où les piétons et les cyclistes sont interdits et qui sont équipées d’une séparation physique entre les deux sens de circulation. Il fixe par ailleurs la limite de fonctionnement de ces systèmes à un maximum de 60 km/h.

Il ajoute également une obligation d’équiper les véhicules autonomes d’une « boîte noire, appelée système de stockage de données pour la conduite automatisée (DSSAD), qui enregistrera l’activation du système de maintien de trajectoire.

La présence d’une boîte noire dans les véhicules rejoint les exigences déjà posées en France et résultant de la Loi LOM, qui a prévu, en cas d’accident, un accès aux « données d’état de délégation de conduite enregistrées » aux catégories de destinataires suivants :

  • Officiers et agents de police judiciaire,
  • Organismes chargés de l’enquête technique et de l’enquête de sécurité,
  • Les entreprises d’assurance garantissant les véhicules impliqués dans l’accident,
  • Le FGAO, dans les hypothèses où celui-ci intervient.

Les deux autres règlements concernent la cyber-sécurité et les mises à jour de logiciels et imposent que des mesures soient mises en œuvre dans les quatre domaines suivants :

  • Gérer les cyber-risques liés aux véhicules,
  • Sécuriser les véhicules dès la conception, afin d’atténuer les risques tout au long de la chaîne de valeur,
  • Détecter et répondre aux incidents de sécurité dans les flottes de véhicules,
  • Fournir des mises à jour de logiciels sûres et sécurisées et veiller à ce qu’aucun préjudice ne soit causé à la sécurité des véhicules. Le règlement introduit une base juridique pour les mises à jour sans fil – « Over-the-Air » (O.T.A.) en anglais – des logiciels embarqués dans les véhicules.

Selon une étude récente menée par le cabinet de conseil, McKinsey & Company, la nécessité de renforcer la cyber-sécurité automobile va se traduire par des investissements, qui passeront de 4,9 milliards de dollars en 2020 à 9,7 milliards de dollars en 2030.

Le texte (ECE-TRANS-WP29-2020-079) fournit un cadre permettant au secteur de l’automobile de mettre en place les processus nécessaires pour l’identification et la gestion des risques cyber dès la conception des véhicules, ou encore pour la surveillance et la réponse aux cyber-attaques.

Toutes ces mesures seront contrôlées par des autorités d’homologation nationales compétentes.

La redéfinition des garanties incluses dans les contrats d’assurance automobile

Comme nous venons de le décrire, la réglementation applicable aux véhicules autonomes est en pleine construction, tant au niveau national qu’international.

Les règles juridiques définies permettront d’encadrer le développement des voitures autonomes, qui circuleront bientôt sur nos routes.

La commercialisation prochaine des véhicules autonomes, ainsi que les nouveaux usages en matière de mobilité urbaine (auto-partage, co-voiturage…) obligent les assureurs à repenser leurs offres de contrats d’assurance automobile.

Les entreprises d’assurance devront donc s’adapter aux nouveaux risques inhérents aux véhicules autonomes et principalement, le risque cyber.

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